Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/208

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sœur était visitée par un grand homme sec et noir, dont la physionomie me déplaisait infiniment, ils s’enfermaient ensemble, et je ne sais ce qu’ils y faisaient, car jamais ma sœur ne me l’a voulu dire, et ils ne se plaçaient point dans l’endroit où j’aurais pu les voir ; quoiqu’il en soit, un beau matin elle vient dans ma chambre, m’embrasse et me dit que sa fortune est faite, qu’elle est entretenue par131) un grand homme que je n’aimais pas et tout ce que j’en appris, c’est que c’était à la beauté de ses fesses qu’elle devait ce qu’elle allait gagner. Cela fait elle me donna son adresse, fit ses comptes avec la Guérin, nous embrassa toutes et partit ; je ne manquai pas, comme vous l’imaginez bien, d’aller deux jours après à l’adresse indiquée. Mais on n’y savait seulement pas, ce que je voulais dire, je vis bien que ma sœur avait été trompée elle-même, car d’imaginer qu’elle eût voulu me priver du plaisir de la voir, je ne le pouvais supposer. Quand je me plaignis à la Guérin de ce qui m’arrivait en ce sujet-là je vis qu’elle en souriait malignement et qu’elle réfusait de s’expliquer. Je conclus donc de là, qu’elle était dans le mystère de toute l’aventure mais qu’on ne voulut que je la démêlasse. Tout cela m’affecta et me fit prendre mon parti et comme je n’aurais plus occasion de vous parler de cette chère sœur, je vous dirai que quelques perquisitions que j’aie faites, quelques soins que je me sois donnés pour la découvrir, il m’a été parfaitement impossible de jamais savoir ce qu’elle était devenue. — „Je le crois bien,“ dit alors la Desgranges, „car elle n’existait plus de 24 heures après t’avoir quittée, elle ne te trompait pas, elle était dupée elle-