Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/340

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que des arrangements — occupons nous d’abord de vous détailler le premier plan, puisqu’il fait nombre dans la classe des goûts que j’ai à vous conter, quoique je le dérange un peu de sa place, pour suivre l’ordre des événements, et quand vous serez instruits de cette première branche de mes projets, je vous éclairerai sur la seconde. [101]Il y avait un homme dans le monde fort riche, fort en crédit et du dérèglement d’esprit, qui passe tout ce qu’on peut dire, comme je ne le connaissais, que sous le titre du comte, vous trouverez bon, quelque instruite que je puisse être de son nom, que je ne vous le désigne que par ce seul titre. Le cte. était dans toute la force des passions, âgé au plus de 35 ans, sans foi, sans loi, sans Dieu, sans religion et doué surtout comme vous, messieurs, d’une invincible horreur pour ce qu’on appelle le sentiment de la charité, il disait, qu’il était plus fort que lui, de le comprendre, et qu’il n’admettait pas qu’on pût imaginer d’outrager la nature au point de déranger l’ordre qu’elle avait mis dans les différentes classes de ses individus, en élevant un par des secours à la place de l’autre, et en employant à ces secours absurdes et révoltants des sommes bien plus agréablement employées à ses plaisirs. Pénétré de ses sentiments, il ne s’en tenait par là, non seulement il trouvait une jouissance réelle dans le refus des secours, mais il améliorait même cette jouissance par des outrages à l’infortuné, une de ses voluptés par exemple était de faire chercher de ces asiles ténèbres où l’indigence affamée mange comme elle peut un pain arrosé de ses larmes et dû à ses travaux, il bandait à aller, non seulement jouir de l’amertume de telles pleurs, mais même,184) à en redoubler la source et