Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/399

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n’y aurait,“ disait-il, „qu’une femme grosse, qui me ferait plus d’effet, et malheureusement ça ne se peut pas.“ — „Mais Mr.,“ lui disais-je un jour, „par votre charge vous coopérez à la mort de cette infortunée victime.“ — „Assurément,“ me répondit-il, „ et c’est ce qui m’en amène davantage ; depuis trente ans, que je juge, je n’ai jamais donné ma voix autrement qu’à mort.“ — „Et croyez-vous,“ lui dis-je, „que vous n’ayiez pas un peu à vous reprocher la mort de ces gens-là, comme, un meurtre ?“ — „Bon,“ me dit-il, „faut-il y regarder de si près.“ — „Mais,“ lui dis-je, „c’est pourtant ce que dans le monde on appellerait une horreur.“ — „Oh,“ me dit-il, „il faut savoir, prendre son parti sur l’horreur de tout ce qui fait bander, et cela par une raison bien simple : c’est que cette chose telle affreuse, que vous vouliez le supposer, n’est plus horrible pour vous, dès qu’elle vous fait décharger ; elle ne l’est donc plus qu’aux yeux des autres, mais qui m’assure, que l’opinion des autres presque toujours fausse sur tous les objets, ne l’est pas également sur celui-ci ; il n’y a pas,“ poursuivit-il, „de foncièrement bien et rien de foncièrement mal, tout n’est que relatif à nos meurs, à nos opinions et à nos préjugés ; ce point établi, il est extrêmement possible, qu’une chose parfaitement indifférente, en elle-même, soit pourtant indigne à vos yeux et très délicieuse aux miens, et dès qu’elle me plaît d’après la difficulté de lui assigner une place juste, dès qu’elle m’amuse ne serais-je pas un fou de m’en priver seulement, parce que vous le blâmez. Va, va, ma chère Duclos, la vie des hommes est une chose si peu importante, que l’on peut s’en jouir tant que cela plaît, comme l’on le ferait de celle du chat, ou