Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/40

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et elle eut été bien plus heureuse sans doute avec des perceptions moins délicates. Durcet qui l’avait élevé plutôt comme une courtisane que comme sa fille, et qui ne s’était occupé qu’à lui donner des talents bien plutôt que des mœurs n’avait pourtant jamais pu détruire dans son cœur les principes d’honnêteté et de vertu qu’il semblait que la nature y eut engravé à plaisir. Elle n’avait point de religion, on ne lui en avait jamais parlé, on n’avait jamais souffert qu’elle en pratique aucune exercice, mais tout cela n’avait point éteint dans elle cette pudeur, cette modestie naturelle indépendante des chimères religieuses et qui dans une âme honnête et sensible s’efface bien difficilement. Elle n’avait jamais quitté la maison de son père, et le scélérat dès l’âge de douze ans l’avait fait servir à ses crapuleux plaisirs, elle trouva bien de la différence dans ceux que goûtait le duc avec elle. Son physique s’altéra sensiblement de cette distance énorme et le lendemain de ce que le duc l’eut dépucelé sodomitement, elle tomba dangereusement malade, on lui crut le rectum absolument percé, mais sa jeunesse, sa santé et l’effet de quelques topiques salutaires, rendirent bientôt au duc l’usage de cette voie défendue et la malheureuse Constance contrainte à s’accoutumer à ce supplice journalier qui n’était pas le seul se rétablit entièrement et s’habitua à tout. Adélaïde femme de Durcet et fille du président était une beauté peut-être supérieure à Constance mais dans un genre absolument tout autre, elle était âgée de vingt ans, petite, mince, extrêmement fluette et délicate, faite à peindre, les plus beaux cheveux blonds qu’on puisse voir, un air d’intérêt et de sensibilité ré-