Aller au contenu

Page:Sade - Les 120 journées de Sodome (édition numérique).djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— Page 132 —

aux deux autres, car il n’était pas muet ordinairement quand elle lui accordait des faveurs. La Duclos, pour le coup, voyant donc tout calmé, reprit ainsi la suite de ses lubriques aventures :

« Un mois après, je vis un homme qu’il fallait presque violer pour une opération assez semblable à celle que je viens de vous rapporter. Je chie dans une assiette et lui apporte sous le nez, dans un fauteuil où il s’occupait à lire sans avoir l’air de prendre garde à moi. Il m’invective, me demande comment je suis assez insolente pour faire des choses comme celle-là devant lui, mais à bon compte il sent l’étron, il le regarde et le manie. Je lui demande excuse de ma liberté, il continue de me dire des sottises et décharge, l’étron sous le nez, en me disant qu’il me retrouverait et que j’aurai un jour affaire à lui.

« Un quatrième n’employait à semblable fête que des femmes de soixante-dix ans. Je le vis opérer avec une qui en avait au moins quatre-vingts. Il était couché sur un canapé ; la matrone, à califourchon sur lui, lui déposa son vieux cas sur le ventre en lui branlant un vieux vit ridé qui ne déchargea presque pas.

« Il y avait chez la Fournier un autre meuble assez singulier : c’était une espèce de chaise percée dans laquelle un homme pouvait se placer de telle sorte que son corps dépassait dans une autre chambre et que sa tête seule se trouvait à la place du pot. J’étais du côté de son corps et, à genoux entre ses jambes, je lui suçais le vit de mon mieux pendant l’opération. Or, cette singulière cérémonie consistait à ce qu’un homme du peuple, gagé pour cela sans savoir ni approfondir ce qu’il faisait, entrât par le côté où était le siège de la chaise, se posât dessus et y poussât sa selle qui, par ce moyen, tombait à plomb sur le visage du patient que j’expédiais. Mais il fallait que cet homme fût exactement un manant, et pris dans tout ce que la crapule pouvait offrir de plus affreux ; il fallait de plus qu’il fût vieux et laid. On le lui faisait voir avant, et sans toutes ces qualités il n’en voulait pas. Je ne vis rien, mais j’entendis : l’instant du choc fut celui de la décharge de mon homme, son foutre s’élança dans mon gosier à mesure que l’étron lui couvrait la face, et je le vis sortir de là dans un état qui me fit voir qu’il avait été bien servi. Le hasard, l’opération finie, me fit rencontrer ce gentilhomme qui venait d’y servir : c’était un bon et honnête Auvergnat servant de manœuvre aux maçons, bien enchanté de rapporter un petit écu d’une cérémonie qui, en ne faisant que le dégager du superflu de ses entrailles, lui devenait infiniment plus douce et plus agréable que de porter l’oiseau. Il était effroyable à force de laideur et paraissait plus de quarante ans. »

« Je renie Dieu, dit Durcet, voilà comme il le faut. » Et passant dans son cabinet avec le plus vieux des fouteurs, Thérèse et la Desgranges, on l’entendit brailler quelques minutes après, sans qu’il voulût au retour faire part à la compagnie des excès auxquels il venait de se livrer. On servit. Le