humilié mon petit amour-propre et, sans approfondir d’où venait le dégoût, je n’en aimais ni les suites ni les conséquences. Il était pourtant écrit dans ma destinée que j’aurais encore quelques aventures dans ce couvent, et l’exemple de ma sœur, qui avait eu, m’avait-elle dit, affaire à plus de quatorze, devait me convaincre que je n’étais pas au bout de mes caravanes. Je m’en aperçus, trois mois après cette dernière aventure, aux sollicitations que me fit un de ces bons révérends, homme d’environ soixante ans. Il n’y eut sorte de ruse qu’il inventât pour me déterminer à venir dans sa chambre. Une réussit si bien enfin, que je m’y trouvai un beau dimanche matin sans savoir ni comment ni pourquoi. Le vieux paillard, que l’on nommait Père Henri m’y renferma avec lui aussitôt qu’il me vit entrer et m’embrassa de tout son cœur. “Ah ! petite friponne, s’écria-t-il au transport de sa joie, je te tiens donc, tu ne m’échapperas pas ce coup-ci.” Il faisait très froid ; mon petit nez était plein de morve, comme c’est assez l’usage des enfants. Je voulus me moucher. “Eh ! non, non, dit Henri en s’y opposant, c’est moi, c’est moi qui vais faire cette opération-là, ma petite.” Et m’ayant couchée sur son lit la tête un peu penchée, il s’assit auprès de moi, attirant ma tête renversée sur ses genoux. On eût dit qu’en cet état il dévorait des yeux cette sécrétion de mon cerveau. “Oh ! la jolie petite morveuse, disait-il en se pâmant, comme je vais la sucer !” Se courbant alors sur ma tête et mettant mon nez tout entier dans sa bouche, non seulement il dévora toute cette morve dont j’étais couverte, mais il darda même lubriquement le bout de sa langue dans mes deux narines alternativement, et avec tant d’art, qu’il produisit deux ou trois éternuements qui redoublèrent cet écoulement qu’il désirait et dévorait avec tant d’empressement. Mais de celui-là, messieurs, ne m’en demandez pas de détails : rien ne parut, et soit qu’il ne fit rien ou qu’il fit son affaire dans sa culotte, je ne m’aperçus de quoi que ce fût, et dans la multitude de ses baisers et de ses lécheries rien ne marqua d’extase plus forte, et par conséquent je crois qu’il ne déchargea point. Je ne fus point troussée davantage, ses mains même ne s’égarèrent pas, et je vous assure que la fantaisie de ce vieux libertin pourrait avoir son effet avec la fille du monde la plus honnête et la plus novice, sans qu’elle y pût supposer la moindre lubricité.
« Il n’en était pas de même de celui que le hasard m’offrit le propre jour où je venais d’atteindre ma neuvième année. Père Étienne, c’était le nom du libertin, avait déjà dit plusieurs fois à ma sœur de me conduire à lui, et elle m’avait engagée à l’aller voir (sans néanmoins vouloir m’y mener, de peur que notre mère, qui se doutait déjà de quelque chose, ne vînt à le savoir), lorsque je me trouvai enfin face à face avec lui, dans un coin de l’église, près de la sacristie. Il s’y prit de si bonne grâce, il employa des raisons si persuasives, que je ne me fis pas tirer l’oreille. Le Père Étienne avait environ quarante ans, il était frais, gaillard et vigoureux. À peine fûmes-nous dans sa chambre qu’il me demanda si je savais branler un vit. “Hélas ! lui dis-je en rougissant, je n’entends pas seulement ce que vous