Page:Sade - Les Crimes de l’amour, 1881.djvu/273

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amour du peuple, le civisme le plus ardent dont on ait encore vu l’exemple !

Scévole, Brutus, votre seul mérite fut de vous armer un moment pour trancher les jours de deux despotes, une heure au plus votre patriotisme a brillé ; mais toi, Marat, par quel chemin plus difficile tu parcourus la carrière de l’homme libre ! Que d’épines entravèrent ta route avant que d’atteindre le but. C’était au milieu des tyrans que tu nous parlais de liberté ; peu faits encore au nom sacré de cette déesse, tu l’adorais avant que nous la connussions ; les poignards de Machiavel s’agitaient en tout sens sur ta tête sans que ton front auguste en parût altéré ; Scévole et Brutus menaçaient chacun leurs tyrans : ton âme, bien plus grande, voulut immoler à la fois tous ceux qui surchargeaient la terre, et des esclaves t’accusaient d’aimer le sang ! Grand homme, c’était le leur que tu voulais répandre ; tu ne te montrais prodigue de celui-là que pour épargner celui du peuple ; avec autant d’ennemis, comment ne devais-tu pas succomber ? Tu désignais les traîtres, la trahison devait te frapper.