Page:Sade - Les crimes de l'amour, Nouvelles héroïques et tragiques, tome 3, 1799.djvu/217

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chagrin qu’il éprouve devient d’une telle force, qu’il se débat bientôt au milieu de ses fers ; tantôt c’est à sa justification qu’il veut courir, l’instant d’après, c’est aux pieds d’Ernestine ; il se roule sur le plancher, en faisant retentir la voûte de ses cris aigus… il se relève, il se précipite contre les digues qui lui sont opposées, il veut les rompre de son poids, il se déchire, il est en sang, et retombant près des barrières qu’il n’a seulement point ébranlé, ce n’est plus que par des sanglots et des larmes… que par les secousses du désespoir, que son âme abattue tient encore à la vie.

Il n’y a point de situation dans le monde qui puisse se comparer à celle d’un prisonnier, dont l’amour embrase le cœur ; l’impossibilité de s’éclaircir, réalise à l’instant d’une manière affreuse tous les maux de ce sentiment ; les traits d’un Dieu si doux dans le monde, ne sont plus pour lui que des couleuvres qui le déchirent ; mille chimères l’offusquent à la fois ; tour-à-tour inquiet et tranquille, tour-à-tour crédule et soupçon-