Page:Sade - Les crimes de l'amour, Nouvelles héroïques et tragiques, tome 3, 1799.djvu/88

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père, si je la voyais dès le même instant ? si j’allais tomber à ses pieds… ou lui percer le cœur ! — Appaise ce désordre, Antonio, et je te le répète, ne prends aucun parti que tu n’aies tout vu, ne te décide à rien que tu n’aies entendu Laurence. — Oh dieu ! habiter la même maison qu’elle… passer une nuit près d’elle, ne pas la punir si elle a tort… ne pas jouir de ses chastes embrassemens si elle est innocente ! — Infortuné jeune homme, cette alternative de ton aveugle amour ne peut t’être permise, ton épouse est criminelle sans doute, et ce n’est pas l’instant de te venger. — Ah ! trouverai-je jamais celui de la haïr ! Laurence, sont-ce là ces sermens de m’adorer toujours ! que t’ai-je fait pour m’outrager ainsi ?… les lauriers que j’allais cueillir… n’était-ce pas pour te les présenter ?… si je desirais d’illustrer ma maison, c’était pour t’embellir de son éclat… pas une seule pensée d’Antonio qui ne s’adressât à Laurence… pas une seule de ses actions qui ne l’eût pour principe… et quand je t’idolâtre, quand tout mon sang versé