Page:Sade - Les crimes de l'amour, Nouvelles héroïques et tragiques, tome 4, 1799.djvu/180

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mais si l’esprit nous trompe, la conscience ne nous égare jamais, et voilà le livre où la nature écrit tous nos devoirs. — Et n’en faisons-nous pas ce que nous voulons, de cette conscience factice ? l’habitude la ploie, elle est pour nous une cire molle qui prend sous nos doigts toutes les formes ; si ce livre était aussi sûr que vous le dites, l’homme n’aurait-il pas une conscience invariable ? d’un bout de la terre à l’autre, toutes les actions ne seraient-elles pas les mêmes pour lui ? et cependant cela est-il ? l’Hottentot tremble-t-il de ce qui effraie le Français ? et celui-ci ne fait-il pas tous les jours ce qui le ferait punir au Japon ? Non, monsieur, non, il n’y a rien de réel dans le monde, rien qui mérite louange ou blâme, rien qui soit digne d’être récompensé ou puni, rien qui, injuste ici, ne soit légitime à cinq-cents lieues de là, aucun mal réel, en un mot, aucun bien constant. — Ne le croyez pas, monsieur, la vertu n’est point une chimère ; il ne s’agit pas de savoir si une chose est bonne ici, ou mauvaise à