Page:Sade - Les crimes de l'amour, Nouvelles héroïques et tragiques, tome 4, 1799.djvu/69

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pas que mon père ne me soit aussi cher sans doute, et mes regrets de l’avoir perdu eussent été éternels sans l’espérance de voir un jour mes larmes essuyées par la main de l’époux, qu’il me destinait ; c’est pour cet époux seul que je me suis conservée, c’est à cause de lui seul que j’ai surmonté le désespoir où m’a plongée la nouvelle affreuse que nous venons d’apprendre ; voulez-vous donc déchirer à la fois mon cœur, par tant de traits aussi cruels ! Eh bien ! dit la comtesse, qui sentit que la violence ne ferait qu’irriter celle que son artifice l’obligeait à ménager, feignez toujours ce que je vous propose, puisque vous ne pouvez vous vaincre, et dites à Monrevel que vous aimez Salins, ce sera un moyen de savoir si réellement il vous est attaché ; la véritable façon de connaître un amant, est de l’inquiéter par la jalousie. Si Monrevel se dépite et s’il vous abandonne, ne serez-vous pas bien aise d’avoir reconnu que vous n’étiez qu’une dupe en l’aimant ? — Et si sa passion n’en devient