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lecteur que nous n’examinons la question que relativement à la nature ; nous l’envisagerons ensuite par rapport aux hommes.

Or, je demande de quel prix peuvent être à la nature des individus qui ne lui coûte ni la moindre peine ni le moindre soin ? L’ouvrier n’estime son ouvrage qu’en raison du travail qu’il lui coûte, du tems qu’il emploie à le créer. Or, l’homme coûte t-il à la nature ? et en supposant qu’il lui coûte, lui coûte-t-il plus qu’un singe ou qu’un éléphant ? Je vais plus loin ; quelles sont les matières régénératrices de la nature ? de quoi se composent les êtres qui viennent à la vie ? les trois élémens qui les forment ne résultent-il pas de la primitive destruction des autres corps ? si tous les individus étoient éternels, ne deviendroit-il pas impossible à la nature d’en créer de nouveaux ? Si l’éternité des êtres est impossible à la nature, leur destruction devient donc une de ses lois, or, si les destructions lui sont tellement utiles qu’elle ne puisse absolument s’en passer, et si elle ne peut parvenir à ses créations sans puiser dans ces masses de destruction que lui prépare la mort, de ce moment l’idée d’anéantissement que nous attachons à la mort ne sera donc plus réelle, il n’y