montré que ce Dieu, que les sots regardent
comme auteur et fabricateur unique de tout
ce que nous voyons, n’est que le nec plus
ultra de la raison humaine, que le fantôme
créé à l’instant où cette raison ne voit plus
rien, afin d’aider à ses opérations ; s’il est
prouvé que l’existence de ce Dieu est impossible,
et que la Nature, toujours en action,
toujours en mouvement, tient d’elle-même
ce qu’il plaît aux sots de lui donner gratuitement ;
s’il est certain qu’à supposer que cet
être inerte existât, ce serait assurément le
plus ridicule de tous les êtres, puisqu’il n’aurait
servi qu’un seul jour, et que depuis des
millions de siècles il serait dans une inaction
méprisable, ; qu’à supposer qu’il existât,
comme les religions nous le peignent, ce
serait assurément le plus détestable des êtres,
puisqu’il permettrait le mal sur la terre, tandis
que sa toute-puissance pourrait l’empêcher ;
si, dis-je, tout cela se trouvait prouvé,
comme cela l’est incontestablement, croyez-vous
alors, Eugénie, que la piété qui lierait
l’homme à ce Créateur imbécille, insuffisant,
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