à raisonner, se soumette à de tels freins ?
N’est-ce donc pas le préjugé tout seul qui
prolonge ces chaînes ? Et y a-t-il rien de
plus ridicule que de voir une fille de quinze
ou seize ans, brûlée par des desirs qu’elle
est obligée de vaincre, attendre dans des
tourmens, pires que ceux des enfers, qu’il
plaise à ses parens, après avoir rendu sa
jeunesse malheureuse, de sacrifier encore
son âge mûr, en l’immolant à leur perfide
cupidité, en l’associant, malgré elle, à un
époux, ou qui n’a rien pour se faire aimer,
ou qui a tout pour se faire haïr ! Eh non, non,
Eugénie, de tels liens s’anéantiront bientôt ;
il faut que, dégageant dès l’âge de raison la
jeune fille de la maison paternelle, après lui
avoir donné une éducation nationale, on la
laisse maîtresse, à quinze ans, de devenir ce
qu’elle voudra : donnera-t-elle dans le vice ?
eh qu’importe ! Les services que rend une
jeune fille, en consentant à faire le bonheur
de tous ceux qui s’adressent à elle, ne sont-ils
pas infiniment plus importans que ceux
qu’en s’isolant elle offre à son époux ? La
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Tome I.
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