Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/101

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mes, à qui cela arriue plus rarement, bien qu’il s’y en trouue par-fois quelques-vns qui en deuiennent fols et furieux, selon leur forte imagination, et la foiblesse de leur esprit, qui leur fait adiouster foy a ces resueries diaboliques.

Il se passa vn assez long temps apres mon arriuée, auant que i’eusse aucune co-92||gnoissance ny nouuelle du lieu où estoient arrinez mes Confreres, iusques à vn certain iour que le Pere Nicolas, accompagné d’vn Sauuage, me vint trouuer de son village, qui n’estoit qu’à cinq lieues du nostre. Ie fus fort resiouy de le voir en bonne santé et disposition, nonobstant les penibles trauaux et disettes qu’il auait souffertes depuis nostre departement de la traicte ; mes Sauuages le receurent aussi volontiers à coucher en nostre Cabane, et luy firent festin de ce qu’ils purent, à cause qu’il estoit mon Frere, et à nos autres François, pour estre nos bons amys. Apres donc nous estre congratulez de nostre heureuse arriuée, et vn peu discouru de ce qui nous estoit arriué pendant vn si long et pénible chemin, nous aduisasmes d’aller trouuer le Pere Ioseph, qui estoit demeurant en vn autre village, à quatre ou cinq lieues de nous ; car ainsi Dieu nous avoit-il faict la grace, que sans l’auoir premedité, nous nous mismes à la conduite de personnes qui demeurassent si proches les vnes des autres : mais pource que i’estois fort aymé de Oonchiarey mon Sauuage, et de la pluspart de ses parens, ie ne sçauois comment l’aduertir 93|| de nostre dessein, sans le mescontenter grandement. Nous trouuasmes enfin moyen de luy persuader que i’auois quelque affaire à communiquer à nostre Frere Io-