Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/113

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traite, n’en estans esloignez qu’enuiron vne Lune et demye, qui est vn mois ou six sepmaines de chemin tant par terre que par eau et riuiere. A laquelle vient aussi trafiquer vn certain peuple qui y aborde par mer, auec des grands basteaux ou nauires de bois, chargez de diuerses marchandises, comme haches, faictes en queuë de perdrix, des bas de chausses, auec les souliers attachez ensemble, souples neantmoins comme vn gand, et plusieurs autres choses qu’ils eschangent pour des pelleteries. Ils nous dirent aussi que ces personnes-là ne portoient point de poil, ny à la barbe ny a la teste, (et pour ce par nous sur-nommez Testes pelées) et nous asseurerent que ce peuple leur auoit dict qu’il seroit fort ayse de nous voir, pour la façon de laquelle on nous avoit dépeinct en son endroict, ce qui nous fit coniecturer que ce pouuoit estre quelque peuple et nation policée et habituée vers la mer de la Chine, qui borne ce pays vers l’Occident, comme il est aussi borné de la mer Océane, enuiron les 40. degrez vers l’Orient, 110|| et esperions y faire vn voyage à la premiere commodité auec ces Epicerinys, comme ils nous en donnoient quelque esperance, moyennant quelque petit present, si l’obedience ne m’eust rappellé trop tost en France : car bien que ces Epicerinys ne veulent pas mener de François seculiers en leur voyage, non plus que les Montagnais et Hurons n’en veulent point mener au Saguenay, de peur de descouurir leur bonne et meilleure traicte, et le pays où ils vont amasser quantité de pelleteries : ils ne sont pas si resserrez en nostre endroict, sçachans desia par experience, que nous ne nous meslons d’aucun autre trafic que de celui des