Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 87 —

à la ligne, ou à la seine, par le moyen des trous qu’ils y font en plusieurs endroicts. Ils font aussi des flesches auec le cousteau, fort droictes et longues, et n’ayans point de cousteaux, ils se seruent de pierres trenchantes, et les empennent de plumes ||126 de queues et d’aisles d’Aigles, parce qu’elles sont fermes et se portent bien en l’air ; la poincte auec vne colle forte de poisson, ils y accommodent vne pierre acerée, ou vn os, ou des fers, que les François leur traictent. Ils font aussi des masses de bois pour la guerre, et des pauois qui couurent presque tout le corps, et auec des boyaux ils font des cordes d’arcs et des raquettes, pour aller sur la neige, au bois et à la chasse.

Ils font aussi des voyages par terre, aussi bien que par mer, et les riuieres, et entreprendront (chose incroyable) d’aller dix, vingt, trente et quarante lieuës par les bois, sans rencontrer ny sentiers ny Cabanes, et sans porter aucuns viures sinon du petun et vn fuzil, auec l’arc au poing, et le carquois sur le dos. S’ils sont pressez de la soif, et qu’ils n’ayent point d’eau, ils ont l’industrie de succer les arbres, particulièrement les Fouteaux, d’où distile vne douce et fort agréable liqueur, comme nous faisions aussi, au temps que les arbres estoient en seue. Mais lors qu’ils entreprennent des voyages en pays loingtain, ils ne les font point pour l’ordinaire inconsiderément, et sans en auoir eu la ||127 permission des Chefs, lesquels en vn conseil particulier ont accoustumé d’ordonner tous les ans, la quantité des hommes qui doinent partir de chaque ville ou village, pour ne les laisser desgarnis de gens de guerre, et quiconque voudroit