Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/128

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De mesme que les hommes ont leur exercice particulier, et sçauent ce qui est du deuoir de l’homme, les femmes et les filles aussi se maintiennent dans leur condition, et font paisiblement leurs petits ouurages, et les œuures seruiles : elles trauaillent ordinairement plus que les hommes, encore qu’elles n’y soient point forcées ny contraintes. Elles ont le soin de la cuisine et du mesnage, de semer et cueillir les bleds, faire les farines, accommoder le chanure et les escorces, et de faire la prouision de bois necessaire. Et pource qu’il leur reste encore beaucoup de temps à perdre, elle l’employent à ioüer, aller aux dances et festins, à deuiser et passer le temps, et faire tout ainsi comme il leur plaist du temps qu’elles ont de bon, qui n’est pas petit, puis que tout leur mesnage consiste à peu, veu mesmes qu’elles ne sont admises en plusieurs de leurs festins, ny en aucun de leurs conseils, ny a faire leurs Cabanes et Canots, entre nos Hurons.

Elles ont l’inuention de filer le chanvre ||131sur leur cuisse, n’ayans pas l’vsage de la quenouille et du fuseau, et de ce filet les hommes en lassent leurs rets et filets, comme i’ay dit. Elles pilent aussi le bled pour la cuisine, et en font rostir dans les cendres chaudes, puis en tirent la farine pour leurs marys, qui vont l’esté trafiquer en d’autres Nations esloignées. Elles font de la poterie, particulièrement des pots tous ronds, sans ances et sans pieds, dans quoy elles font cuire leurs viandes, chair ou poisson. Quand l’hyuer vient, elles font des nattes de joncs, dont elles garnissent les portes de leurs Cabannes, et en font d’autres pour s’asseoir dessus, le tout fort proprement.