Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/160

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dequoy ils estoient fort-contens, et nous aussi, pour ces petits et menus seruices que nous en receuions.

Il y en auait pourtant de malicieux, qui se donnoient le plaisir de couper la corde où suspendoit nostre porte en l’air, à la mode du pays, pour la faire tomber quand on l’ouuriroit, et puis apres le nioyent absolument, ou prenoient la fuite, aussi n’auoüent-ils iamais leurs fautes et malices (pour estre grands menteurs) qu’en lieu où ils n’en craignent aucun blasme ou reproche : car bien qu’ils soient Sauuages et incorrigibles, si sont-ils fort superbes et cupides d’honneur et ne veulent pas estre estimez malicieux ou meschans, quoy qu’ils le soient.

Nous auions commencé à leur apprendre et enseigner les lettres, mais comme ils sont libertins, et ne demandent qu’à ioüer et se donner du bon temps, comme i’ay dict, ils oublioient en trois iours, ce que nous leur auions appris en quatre, faute de continuer, et nous venir retrouuer aux heures que nous leur auions ordonnées, et pour nous dire qu’ils auoient esté empeschez à ioüer, ils en estoient ||176 quittes ; aussi n’estoit-il pas encore à propos de les rudoyer ny reprendre autrement que doucement, et par vne maniere affable les admonester de bien apprendre une science qui leur deuoit tant profiter et apporter du contentement le temps à venir.

De mesme que les petits garçons ont leur exercice particulier, et apprennent à tirer de l’arc les vns auec les autres, si tost qu’ils commencent à marcher, on met aussi vn petit baston entre les mains des petites fillettes, en mesme temps qu’elles commencent de mettre vn pied deuant l’autre, pour les stiler et ap-