Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/168

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de ce qu’on leur baille honnestement et raisonnablement, mesprisans et blasmans les façons de faire de nos Marchands qui barguignent vne heure pour marchander vne peau de Castor : ils ont aussi la mansuetude et clemence en la victoire enuers les femmes et petits enfans de leurs ennemis, ausquels ils sauuent la vie, bien qu’ils demeurent leurs prisonniers pour seruir.

Ce n’est pas à dire pourtant qu’ils n’ayent de l’imperfection : car tout homme y est suiet, et à plus forte raison celuy qui est priué de la cognoissance d’vn Dieu et de la lumiere de la foy, comme sont nos Sauuages : car si on uient à parler de l’honnesteté et de la ciuilité, il n’y a de quoy les louer, puis qu’ils n’en pratiquent aucun traict, que ce que la simple Nature leur dicte et enseigne. Ils n’vsent d’aucun compliment parmy-eux, et sont fort-mal propres et mal nets en l’apprest de leurs ||187 viandes. S’ils ont les mains sales il les essuyent à leurs cheuueux, ou aux poils de leurs chiens, et ne les lauent iamais, si elles ne sont extremement sales : et ce qui est encore plus impertinent, ils ne font aucune difficulté de pousser dehors les mauuais vents de l’estomach parmy les repas, et en presence de tous. Ils sont aussi grandement addonnez à la vengeance et au mensonge, ils promettent aussi assez, mais ils tiennent peu : car pour auoir quelque chose de vous, ils sçauent bien flatter et promettre, et desrobent encore mieux, si ce sont Hurons, ou autres peuples Sedentaires, enuers les estrangers, c’est pourquoy il s’en faut donner de garde, et ne s’y fier qu’à bonnes enseignes, si on n’y veut estre trompé.