Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/236

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la facilité qu’il y a de leur persuader les prieres, aumosnes et bonnes œuures pour les ames des deffuncts.

Les Essedons, Scythes d’Asie, celebroient les funerailles de leur pere et mere auec chants de ioye. Les Thraciens enseuelissoient leurs morts en se resiouyssans, d’autant (comme ils disoient) qu’ils estaient partis du mal, et arriuez à la beatitude : mais nos Hurons enseuelissent les leurs en pleurs et tristesses, neantmoins tellement modérées et réglées au niueau de la raison, qu’il semble que ce pauure peuple284||aye vn absolu pouuoir sur ses larmes et sur ses sentimens ; de maniere qu’ils ne leur donnent cours que dans l’obeyssance, et ne les arrestent que par la mesme obeyssance.

Auant que le corps du deffunct sorte de la Cabane, toutes les femmes et filles là présentes, y font les pleurs et lamentations ordinaires, lesquelles ne les commencent ny ne finissent iamais (comme ie viens de dire) que par le commandement du Capitaine ou Maistre des ceremonies. Le commandement et l’aduertissement donné, toutes vnanimement commencent à pleurer, et se lamentent à bon escient, et femmes et filles, petites et grandes (et non iamais les hommes, qui demonstrent seulement vne mine et contenance morne et triste, la teste panchante sur leurs genoüils) et pour plus facilement s’esmouuoir et s’y exciter, elles repetent tous leurs parens et amis deffuncts, disans. Et mon père est mort, et ma mere est morte, et mon cousin est mort, et ainsi des autres, et toutes fondent en larmes ; sinon les petites filles qui en font plus de semblant qu’elles n’en ont d’enuie, pour