Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/286

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contre leur ordinaire. Apres, nous portasmes encore à trois ou quatre sauts tout nostre equipage, au dernier desquels nous nous arrestasmes vn peu à couuert sous des arbres, pendant vn grand orage, qui m’auoit desia percé de toutes parts ; puis apres auoir encore passé vn grand saut, où le Canot fut en partie porté, et en partie traisné, fusmes cabaner sur vne pointe de terre haute, en-352||tre la riuiere qui vient du Saguenay, et va à Kebec, et celle qui se rendoit dedans tout de trauers ; les Hurons descendent iusqu’icy pour aller au Saguenay, et vont contre-mont l’eau, et neantmoins la riuiere du Saguenay, qui entre dans la grande riuiere de sainct Laurent à Tadoussac, a son fil et courant tout contraire, tellement qu’il faut necessairement que ce soient deux riuieres distinctes, et non une seule, puis que toutes se rendent et se perdent dans la mesme riuiere sainct Laurent, encore qu’il y ait de la distance d’vn lieu à l’autre enuiron deux cens lieuës : ie n’asseure neantmoins absolument de rien, puis que nous changeasmes si souuent de chemin allans et retournans des Hurons à Kebec, que cela m’a faict perdre l’entiere certitude, et la vraye cognoissance du droict chemin.

Continuons nostre voyage, et prenons le chemin à main droicte ; car celuy qui est à gauche conduist en la Prouince du Saguenay, et disons que l’entrée de la riuiere que nous venons de quitter dans ceste autre y causoit tant d’effect, que nous fismes plus de six ou sept lieuës de chemin, que ie ne pouuois encore sortir de353||l’opinion (ce qui ne pouuoit estre) que nous allassions contre-mont l’eau, et ce qui me mist en ceste erreur fut la grande difficulté que nous eusmes