Aller au contenu

Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 257 —

iusques en ces contrées, pour surprendre nos Hurons au passage allans à la traicte ; mais depuis qu’ils ont sceu qu’ils commençoient de mener des François auec eux, ils ont comme desisté d’y plus aller, neantmoins nos gens, à tout euenement, se tindrent tousiours sur leur garde, de peur de quelque surprise, et s’allerent cabaner hors danger, et comme nous souffrismes les grandes ardeurs du Soleil pendant le365||iour, il nous fallut de mesme souffrir les orages, les grands bruits du tonnerre, et les pluyes continuelles pendant la nuict, iusques au lendemain matin, que nous nous remismes en chemin, encore tous mouillez, et affligez d’vn faux rapport qui nous auoit esté faict par vn Algoumequin, que la flotte de France estoit perie en mer, et que c’estoit perdre temps à mes gens de descendre iusques à Kebec : mais apres estre vn peu r’entré en moy mesme, et ruminé ce qui en pouuoit estre, ie me doutay incontinent du stratageme et de la finesse de l’Algoumequin, qui auoit controuué ce mensonge pour nous faire retourner en arriere, et en suitte persuader à tous les autres Hurons de n’aller point à la traicte. Ie fis donc entendre à mes Sauuages la malice de l’homme, et leur fis continuer nostre voyage, auec esperance de bon succez.

De là nous allasmes cabaner à la petite Nation, que nos Hurons appellent Quieunontatetonons, où nous n’eusmes pas à peine pris terre, et dressé nostre Cabane, que les deputez du village nous vindrent visiter, et supplier nos gens d’essuyer les larmes de vingt-cinq ou trente pauures366||vefues qui auoient perdu leurs maris l’hyuer passé ; les vns de la faim,