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Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/297

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Ce fut ce qui me mit pour lors dans les doutes, bien que ie fisse tousiours bonne mine à mes gens, de peur qu’ils ne s’en retournassent, comme ils en estoient sur le poinct.

Passant au saut sainct Louys, long d’vne bonne lieuë et tres-dangereux en plusieurs endroicts, nostre Seigneur me garantit et preserua d’vn precipice et cheute d’eau où ie m’en allois tomber infailliblement : car comme mes Sauuages en des eaux basses conduisoient le Canot à la main, estant moy seul dedans, pour ce que ie ne les pouuois suyure à pied, dans les eaux, ny sur la terre par trop montagneu-368||se et embarrassée de bois et de rochers, la violence de l’eau leur ayant faict eschapper des mains, ie me iettay fort à propos sur vne petite roche en passant, puis en mesme temps le Canot tombe par vne cheute d’eau dans vn precipice, parmy les bouillons et les rochers, d’où ils le retirerent à demy brysé auec la longue corde, que (preuoyant le danger) ils y auoient attachée, et apres ils le raccommoderent à terre auec des pieces d’escorce qu’ils portoient quant-et-eux : depuis nous souffrismes encore plusieurs coups de vagues dans nostre petit vaisseau et passasmes par de grandes, hautes et perilleuses esleuations d’eau, qui faisoient dancer, hausser et baisser nostre Canot d’vne merueilleuse façon, pendant que ie m’y tenois couché et raccourcy, pour ne point empescher mes Sauuages de bien gouuerner et voir de quel bord ils deuuaient prendre. De là nous allasmes cabaner dans vne Sapiniere assez incommodement, d’où nous partismes le lendemain matin, encore tous mouillez, et continuasmes nostre chemin par vn lac, et de là