Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 263 —

Le lendemain dés le grand matin, nous partismes de là, et en peu d’heures trouuasmes vne autre barque, qui n’auoit encore leué l’anchre faute d’vn bon vent : et apres auoir salüé celuy qui y commandoit, auec le reste de l’équipage, et faict vn peu de collation, nous passasmes outre en diligence, pour pouuoir arriver à Kebec ce iour-là mesme, comme nous fismes auec la grace du bon Dieu. Sur l’heure de midy mes Sauuages cacherent sous du sable vn peu du bled d’Inde à l’accoustumée, et firent festin de farine cuite, arrousée de suif d’Eslan fondu ; mais i’en mangeay tres-peu pour lors (sous esperance de mieux le soir) : car comme ie ressentois desia l’air de Kebec, ces viandes insipides et de mauvais goust ne me sembloient pas si bonnes qu’auparauant, particulierement ce suif fondu, qui sembloit proprement. à celuy de nos chandelles, lequel seroit là mangé en guise d’huile, ou374||de beurre fraiz, et eussions esté trop heureux d’en auoir pour mettre dans nostre pauure Menestre au pays des Hurons.

À vne bonne lieuë ou deux de Kebec, nous passasmes assez proche d’un village de Montagnais, dressé sur le bord de la riuiere, dans vne Sapiniere, le Capitaine duquel, auec plusieurs autres de sa bande, nous vindrent à la rencontre dans un Canot, et vouloient à toute force contraindre mes Sauuages de leur donner vne partie de leur bled et farine, comme estant deu (disoient-ils) à leur Capitaine, pour le passage et entrée dans leurs terres : mais les François qui là auoient esté enuoyez expres dans une Chalouppe, pour empescher ces insolences, leur firent lascher prise, tellement que mes gens ne furent en