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Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/54

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aucun tort, et refusa-t-on leur offre, seulement on accepta un baril de patates (ce sont certaines racines 23des Indes, en forme de gros || naueaux ; mais d’vn goust beaucoup plus excellent) et vn autre de petun, qu’ils offrirent volontairement au Capitaine, et à moy vn cadran solaire que ie ne voulois accepter de peur de leur en incommoder : car mon naturel ne sçauroit affliger l’affligé, bien qu’il ne mérite compassion.

Le Capitaine de nostre vaisseau, comme sage, ne voulut rien determiner en ce faict de soy-mesme, sans l’auoir premierement communiqué aux principaux de son bord, et nous pria d’en dire nostre aduis, qui estoit celuy que principalement il desiroit suiure, pour ne rien faire contre sa conscience, ou qui fust digne de reprehension. Pendant que nous estions en ce conseil, on auoit enuoyé quantité de nos hommes dans ce nauire Anglois pour y estre les plus forts, et en ramener les principaux des leurs dans le nostre, excepté leur Capitaine lequel estoit malade, de laquelle maladie il mourut la nuict mesme. Apres auoir veu tous les papiers de ces pauures gens, et trouué prés d’vn boisseau de lettres qui s’adressoient à des particuliers d’Angleterre, on conclud qu’ils ne pouuoient estre forbans, bien que leur congé ne fust que trop vieux obtenu, attendu 24|| qu’outre qu’ils estoient peu de monde, et encore fort foiblement armez, ils auoient quelques charte-parties, puis toutes ces lettres les mettoient hors de soupçon, et ainsi on les renuoya en leur nauire, après nous auoir accompagnez trois iours, et pleurant d’ayse d’estre deliurez de l’esclauage ou de la mort qu’ils attendoient : ils nous firent mille remerciemens d’auoir parlé pour