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Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/56

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pieds de long, et trois cens soixante de large. Il y en a desquelles on en pourroit tirer dauantage.

À mon retour ie vis tres-peu de Baleines à Gaspé, en comparaison de l’année precedente, et ne peux en conceuoir la cause ny le pourquoy, sinon que ce soit en partie la grande abondance de sang que 26|| rendit la playe d’vne grande Baleine, que par plaisir vn de nos Commis luy auoit faite d’vn coup d’arquebuse à croc, chargée d’une double charge : ce n’est neantmoins ny la façon, ny la manière de les auoir : car il y faut bien d’autre inuention, et des artifices desquels les Basques se sçauent bien seruir, c’est pourquoy ie n’en fais point de mention, et me contente que d’autres Autheurs en ayent escrit.

La première Baleine que nous vismes en pleine mer estoit endormie, et passant tout auprés on détourna vn peu le nauire, craignant qu’à son resueil elle ne nous causast quelque accident. I’en vis vne entre les autres espouuentablement grosse, et telle que le Capitaine, et ceux qui la virent, dirent asseurement n’en auoir iamais veu de plus grosse. Ce qui fit mieux recognoistre sa grosseur et grandeur est, que se demenant et soustenant contre la mer, elle faisait voir une partie de son grand corps. Ie m’estonnay fort d’vn Gibar, lequel auec sa nageoire ou de sa queuë, car ie ne pouuois pas bien discerner ou recognoistre duquel c’estoit, frappoit si furieusement fort sur l’eau, qu’on le pouvoit entendre de fort loin, et me dit-on que c’estoit pour 27|| estonner et amasser le poisson, pour apres s’en gorger. Ie vis vn iour vn poisson de quelque dix ou douze pieds de longueur,