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Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/95

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Sauuages assis à l’ombre sous vn arbre en vne belle grande prairie, où ils m’attendoient, bien en peine que i’estois deuenu ; ils me firent seoir auprés d’eux, et me donnerent des cannes de bled d’Inde à succer qu’ils auoient cueillies en vn champ tout proche de là. Ie pris garde comme ils en vsoient, et les trouuay d’vn assez bon suc : apres, passant par vn autre champ plein de Fezolles i’en cueillis vn plein plat, que ie fis par apres cuire dans nostre Cabane auec de l’eau, quoyque l’escorce en fust desia assez dure : cela nous seruit pour vn second festin après nostre arriuée.

À mesme temps que ie fus apperceu de nostre ville de Quieuindahian, autrement nommée Téqueunonkiayé, lieu assez bien fortifié à leur mode, et qui pouuoit contenir deux ou trois cens mesnages, en trente ou quarante Cabanes qu’il y auoit, il s’esleua vn si grand bruit par toute la ville, que tous sortirent presque de leurs Cabanes pour me venir voir, et fus ainsi conduit auec grande acclamation iusque dans la Cabane de mon Sauuage, et pour ce que la presse y estoit fort grande, ie fus contrainct de gaigner le 84|| haut de l’establie, et me desrober de leur presse. Les pere et mere de mon Sauuage me firent vn fort bon accueil à leur mode, et par des caresses extraordinaires, me tesmoignoient l’ayse et le contentement qu’ils avoient de ma venuë, ils me traiterent aussi doucement que leur propre enfant, et me donnerent tout suiect de loüer Dieu, voyant l’humanité et fidelité de ces pauvres gens, priuez de sa cognoissance. Ils prirent soin que rien ne se perdist de mes petites hardes, et m’aduertirent de me donner garde des larrons et des trompeurs, particulierement des Quieu-