signalement en ces termes : « C’est un philosophe qui marche en raison directe de l’air distrait et de l’air précipité, l’œil rond et petit, la perruque de travers, le nez écrasé, la physionomie mauvaise, ayant le visage plat et l’esprit plein de lui-même, portant toujours scalpel en poche pour disséquer les gens de haute taille. Ceux qui en donneront connaissance auront mille ducats de récompense, assignés sur les fonds de la ville latine que ledit quidam fait bâtir. »
C’est sans doute à cette dernière incartade qu’est due, au moins en partie, la misérable et ridicule affaire de Francfort-sur-le-Mein. On sait comment Voltaire, après avoir encore séjourné quelques semaines à la cour de la grande-duchesse de Saxe-Gotha, « la meilleure princesse de la terre, la plus douce, la plus sage, la plus égale, et qui, Dieu merci, ne faisait pas de vers », fut, à son passage à Francfort, arrêté par un agent subalterne du roi de Prusse. C’était un nommé Freytag, banni de Dresde, s’il faut en croire Voltaire, « après y avoir été mis au carcan et condamné à la brouette, devenu depuis agent du roi de Prusse, qui se servait volontiers de tels ministres, parce qu’ils n’avaient de gage que ce qu’ils pouvaient attraper aux passants ». Freytag réclamait à son prisonnier la croix du Mérite, la clef de chambellan et « l’œuvre de poëshie du roi son gracieux maître ». C’était un volume tiré à peu d’exemplaires et distribué seulement à quelques intimes ; le roi avait réfléchi que ce livre contenait plus d’un passage blessant pour des personnages puissants en Europe, et que son ancien ami pourrait en abuser. Malheureusement Voltaire n’avait pas avec lui « cette œuvre de poëshie » ; elle était restée à Leipzig avec la masse de ses papiers, et il fallut plusieurs jours pour la faire venir. C’est pendant ce temps qu’il fut en butte, ainsi que madame Denis, qui était venue le rejoindre, à des traitements