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Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/260

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Le Poëte

Qui, prest de descendre en l’Averne,
Estendu contre une taverne
Dont il adoroit le loquet,
En jettant le dernier hocquet,
Commeil entendit crier : Masse !
Soudain d’une voix graisle et basse
Respondit : Toppe ! et puis mourut
D’une broche qui le ferut ;
Non, dis-je, pour prosner sa gloire
À vaincre Bacchus mesme à boire,
Mais pour chanter et mettre au jour
L’adieu du poète à la cour.
Mon duc, de qui, sans flatterie,
Picque d’une noble furie,
J’esleverois le nom aux cieux,
À la honte de tous les dieux,
Si les regles de la satyre
Aucun bien pouvaient laisser dire,
Dans vostre mal vueillez ouyr
Ces vers faits pour vous resjouyr.
Peut-estre que vos medecines,
Vos bains, vos huylles, vos racines
N’apporteront pas tant du leur
À soulager vostre douleur,
Puis qu’on tient pour chose certaine
Que, pour appaiser toute peine,
Le plaisir est un appareil
Qui n’a nul remede pareil.
Quant est de moy, malgré ma jambe
Où le feu Sainct-Antoine flambe[1],
Malgré mon pauvre bras demis,
Au grand regret de mes amis,

  1. Saint-Amant parle ici d’une plaie à la jambe qu’il avoit rapportée d’Angleterre.