Et qui dînes souvent avec des Suédois,
Apprends-moy, Saint-Amant…
Dans le Roman comique, le poète de la troupe veut étaler, dans tout leur éclat, ses brillants mérites aux yeux des beaux-esprits de la ville ; il « se tuoit de leur dire qu’il avoit fait la débauche avec Beys et Saint-Amant. » — Un homme si altéré n’étoit point fait, sauf erreur, pour obtenir en amour de brillants succès.
Dépourvu de ces qualités qui excitent les grandes passions ou les entretiennent, Saint-Amant avoit un moyen du moins de provoquer les caprices. Sa conversation étoit si entraînante, ses réparties si fines ! J’aime à le voir au milieu de ses joyeux amis, improvisant ses rimes faciles. Son vers est-il assez alerte ? a-t-il assez ses coudées franches ? Voyez-le au cabaret, drapé dans son insoucieuse sécurité : c’est là qu’il trouve ce génie que Boileau lui reconnoît pour les ouvrages de débauche et de satire outrée. Si l’on se reporte, en effet, au temps et au lieu où ont été composés les Cabarets et la Chambre du Débauché, ces pièces sont le chef-d’œuvre du genre. Lorsqu’il les écrivoit, comme le poète ivre de Martial, ou comme maître Adam, sur un mur, avec un charbon, sans suite, par boutades, au milieu des éclats de rire, des quolibets, du choc des verres, l’auteur ne songeait guère à Boileau, et moins encore au précepte que le satirique donna plus tard aux écrivains :
Ajoutez quelquefois et souvent effacez.
Il écrivoit toujours, ne corrigeoit jamais, et se gardoit bien d’effacer ; et quand l’inspiration venoit à lui manquer, il falloit entendre les folles remarques de ses amis, non moins bavards, non moins languards que lui, comme dit Regnier ! il falloit voir leurs plaisantes grimaces ! Un nouveau broc payoit sa peine, une nouvelle pipe rallumoit ses idées, et tous à la fois, sans s’écouter ni s’entendre, relisoient, citoient, reprenoient,