Ce vain Guzman, ce comte-duc,
Qui perd contre luy son escrime,
Gemiroit aux coups de ma rime
Comme l’animal de saint Luc,
Et sil venoit un jour à lire
Ce que ma verve en pourroit dire
À ses mornes yeux estonnez,
Ses bezicles qui m’ont fait rire
D’effroy lui tomberoient du nez.
Mais nous ne sommes pas en lieu
Propre à debiter ces merveilles :
Je les reserve aux nobles veilles
Que je voue à ce demy-dieu ;
Là, descoiffant mon escritoire,
À mon papier je feray boire,
Par un excès rare et divin,
Plus de flacons d’encre à sa gloire
Que je n’ay bû de brocs de vin.
Ha ! je voy ce cœur sans pareil,
Ce vaillant Harcourt, qui s’appreste
À faire un nouveau jour de feste,
Peint de sang et de jus vermeil ;
Desjà sur le haut de la pouppe,
Pour me pleger[1] il prend sa couppe
Où petille et rit le nectar,
Et, s’escriant masse à la trouppe,
Sa voix estonne Gibraltar.
- ↑ Pléger on pleiger — Les lexiques ne donnent à ce mot
d’autre sens que cautionner. Ici peut être signifie-t-il défier,
peut-être soutenir, appuyer, comme dans ce vers du Parnasse des muses :
Je boirai tout si tu me veux pleiger.