Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/489

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Son auguste sénat pour leur bien le régit ;
Et mon œil est trompé si sa nef ne surgit
Dans le port où la gloire est promise à la peine.

Ces rebelles complots de ligue, d’union,
N’y ressuscitent point la perfide Enyon[1]
Qui fit du dernier siècle un siècle d’insolence.

On n’y voit point frémir cette rage d’enfer,
Et Themis aujourd’huy, dans sa propre balence,
Pour deffendre son droit peze son propre fer.



SONNET

À la Renommée, sur la mort du roy d’Angleterre[2].


Que me viens-tu de dire, estrange Renommée ?
As-tu bien avec soin remarqué les objets ?
Un roy si bon, si doux, si juste en ses projets,
Voir son dernier espoir s’exhaler en fumés !

Un roy voir sous les fers sa grandeur opprimée !
Un roy se voir juger par ses propres sujets !
Par des hommes sans nom, vils, infâmes, abjets,
Qui sur leur tribunal n’ont qu’une rage armée,

Un roy passer ainsy du trosne à l’eschafaut !
Faire un si dur chemin, un si tragique saut !
Ha ! c’est un coup du sort que je ne puis comprendre.

Mon esprit suspendu se confond en ce lieu,
Et toute la raison que tu m’en sçaurois rendre
C’est qu’on ne peut sonder les abysmes de Dieu.

  1. Enyon pour Ennyo, une des Furies.
  2. Charles Ier, mort sur l’échafaud le 10 février 1649, victime de la longue révolution qui porta Cromwell au pouvoir.