Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/63

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voyages, tant en l’Europe qu’en l’Afrique et en l’Amérique, jointes à la puissante inclination que j’ay eue dès ma jeunesse à la poésie, m’ont bien valu un estude. Au reste, une langue n’est pas une science ; les parties dont l’ame est composée se trouvent aussi bien aux François qu’aux Romains. L’imagination, l’entendement et la mémoire n’ont point de nation affectée, et pourveu qu’on les vueille cultiver avec quelque soin, elles portent du fruict indifferemment en toutes sortes de climats. J’avoue qu’il faut qu’un advocat sçache le latin pour alleguer les lois de Justinian, qu’un grammairien soit consommé dans les langues pour enseigner l’etymologie des mots, et qu’un docteur de Sorbonne ait appris le grec et l’hébreu, pour puiser dans leur propre source les textes formels de l’Ecriture saincte. Mais pour ce qui est d’un poëte, d’un philosophe moral ou d’un historien, je ne crois pas qu’il soit absolument necessaire. Je dy cecy pour certaines gens à la vieille mode, qui lors que la verité les constraint d’approuver ce que je fay, n’ont rien à dire sinon : C’est dommage qu’il n’ait point estudié ! Je le dy encore pour ceux qui, au lieu d’essayer à faire quelque chose d’eux-mesmes, s’amusent non seulement à imiter, mais à prendre laschement tout ce que l’on voit dans les autres autheurs. Encore leur pardonneroy je en quelque façon, s’ils faisoient avecques dexterité ; mais ils le font si grossierement, et le sçavent si mal deguiser, que, comme l’on dit, on leur reconnoist aussi tost le manteau sur les espaules. Ces Messieurs-là eussent esté bien souvent punis en la Republique de Lacedemone : car

    ples avant que l’auteur connût ce prince. Emprisonné et bientôt élargi, Marini vint à Paris, où l’appeloit la reine Marguerite, première femme de Henri IV.

    Quindi l’Alpi varcando, il bel paese
    Giunsi a veder dello contrado Franca
    Dove i gran gigli d’oro ombra cortese
    Prestaro un tempo alla mia vita stanca.
    Le virtù vidi e la beltà francese.
    Vi abbonda onor, nè cortesia vi manca…

    Il obtint une pension de 1500 écus, qui fut bientôt portée à deux mille, et composa alors son fameux poème de l’Adone, qui parut en 1623, précédé d’une « lettre ou discours de M. Chapelain, portant son opinion sur le poème d’Adonis du chevalier Marino. » — Le cavalier Marin mourut deux ans après, 1625. Malgré son enflure et ses obscénités, on ne peut lui refuser une riche et brillante imagination.