Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ont appaisé leur insolence,
J’escoute, à demy transporté,
Le bruit des ailes du Silence,
Qui vole dans l’obscurité.

Treuvay-je au retour couvert mis,
J’entretiens mon duc à la table,
En tant comme il me l’est permis,
De quoique propos detectable ;
Je le fay rire de ma peur,
Je luy dy quel spectre trompeur
J’ay creu s’estre offert à ma veue,
Et, pour noyer tout mon soucy,
Sur un grand verra je me rue,
Où le vin semble en rire aussi.

Là, suivant les sujets du temps,
Tantost nous parlons de la digue
Où, vray prophète, je m’attens
De voir crever la jeune Ligue[1] ;
Tantost, les cœurs tous rejouis,
Nous celebrons du Grand louys
L’heur, la prudence et le courage,
Et disons que le Cardinal
Est à la France dans l’orage
Ce qu’au navire est le fenal.

Tantost, sur le bruit que l’Anglois
Une visite nous prépare,
Nous projettons tous les explois
De quoy la Victoire se pare.
Tenez-vous donc pour assuré
Que cet ennemy conjuré

  1. Il s’agit ici du siège de la Rochelle, où la jeune ligue sera détruite par le cardinal de Richelieu.