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STANCES*
A Monsieur Corneille sur son Imitation de Jesus-Christ
J’ai lû tous les livres du monde , Et n’ay lû cependant, rare amy , que le tien ; J’entends pour en tirer un bien Sur qui de mon salut l'édifice se fonde : J’ay cent fois à mes yeux ouvert ce grand tresor : Que dois- je lire après ? cent fois le lire encor.
Pour moy, je ne suis pas en peine De sçavoir qui du chant t’a fourni le sujet ; L’apprendre n’est point mon objet . Si l’autheur est douteux , la doctrine est certaine , Et soit qui l'on voudra des trois noms disputez , On doit tomber d’accord qu'il t’en doit les beautez.
Je sçay bien que c’est une estoffe Qui semble dédaigner l’emprunt des omemens , Et que de si hauts sentimens Veulent moins le poëte et plus le philosophe ; Mais je sçay bien aussi qu'à leurs graves leçons Ton luth seul pouvoit plaire en cent dignes façons.
1. Cette pièce a esté faite l’an i655. (S.-A.) — Dès 1651 , Corneille avoit fait imprimer les vingt premiers chapitres du premier livre. — L’approbation des docteurs n’est datée que du a6 février 1656, à Rouen.