Page:Saint-Amant - 1907.djvu/215

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Il eût senti l’enfant qui reposait sur l’onde,
Soit qu’il fît sans dessein sa route vagabonde,
Tire vers la nacelle, et fait transir de peur,
Sinon les trois ensemble, au moins la chère sœur.

Aussitôt Elisaph, qui, contre ces alarmes,
Quoique simple berger, n’allait jamais saus armes,
Et qui d’un bras robuste et d’un agile corps,
Avait gagné le prix dans les plus grands efforts,
Se saisit d’un épieu dont la pointe acérée
Eclatait au soleil sous la gloire espérée,
Marche au combat, s’anime, et, de l’objet rampant
Le chemin au berceau d’un pas vite coupant,
A son gosier ouvert de pied ferme s’oppose.
Et, montrant au péril tout ce qu’un grand cœur ose
Prévient le péril même, y cherche des appas,
Se courbe, offre son fer, affronte le trépas.
S’apprête au rude choc sur ses jambes raidies.
Tient l’œil vers le besoin, et, de ses mains hardies,
Porte un grand coup au monstre un coup horrible,
Que sans la peau d’écaille il eût été mortel. [et tel

Mais, comme en une forge où la terre s’allume
On voit le dur marteau rebondir sur l’enclume.
Dans le poing qui l’étreint en bruyant retourner
Et du cyclope noir le bras même étonner,
Ainsi revient l’épieu frustré de son attente.
Ainsi résonne-t-il en la main mécontente.
Elisaph s’en irrite, et sa haute valeur
Sent du coup sans effet une noble douleur.