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Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/101

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Et suspendu majestueusement,
Droit il s’envole au pays des chimères,
Reines du monde, et sur-tout de nos pères.
Sur les confins de ce sot Univers,
Affreux séjour, et terme où tout expire,
Du vieux néant s’étend le vaste Empire ;
C’est là qu’on voit ces fantômes divers,
Enfans légers du sommeil et de l’ombre,
Se promener sous des formes sans nombre,
Au sein profond de l’éternelle nuit,.
Fuyant le jour qui les anéantit.
Là, sont Docteurs, Médecins, et Sophistes,
Marchands de Ciel, Sectateurs, Alchimistes
Tendant la main, et maitres d’un trésor ;
Creux Charlatans, dont la sotle science,
Ou bien plutôt notre avare ignorance,
À chaque instant métamorphose encor
L’or en fumée, et la fumée en or.
C’est là qu’on voit le Temple de Mémoire ;
L’orgueil en fut l’ingénieux auteur,
Et s’y plaça sous l’heureux nom de Gloire.
Il le bâtit de la sombre vapeur
Des actions fameuses sur la terre,
Et des forfaits enfantés par la guerre.
Il est assis sur des lauriers honteux,
Tenant en main quelques rameaux poudreux,
Dont il se sert à repousser sans cesse
L’opprobre altier qui le suit et le presse,
Et détourner l’importune lueur
De ce flambeau, dont l’équité terrible,
D’un ceit profond, avide, incorruptible,
Vient éclairer le néant de son cœur.
II a les mains et la lèvre sanglante,
Les yeux tendus, superbes, menaçans,
Et toutefois la bassesse impudente
Autour de lui brûle un profane encens,
Dont la vapeur et les flots imposans
Font voir l’idole au travers d’un nuage