Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/109

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Et tout à coup la fenêtre s’ouvrit ;
Du haut des Cieux un âne descendit.
Mes chroniqueurs étaient gens bien profanes
D’aller nicher en paradis des anes.
Voici comment certains Commentateurs
Ont expliqué cet indévot passage :
« Apparemment quand l’âme des Docteurs
« A dépouillé les terrestres honneurs,
« Pour s’envoler au céleste héritage,
« L’âne parait, et reste à découvert. »
Mais revenons à mon saint homme d’âne ;
Son corps était vêtu d’une sontane,
Un grand bonnet par le sommet ouvert,
Couvrait son chef, et cachait ses oreilles.
Que de bonnets en cachent de pareilles !
L’âne, porté sur l’aile d’Aquilon,
Par la fenêtre entre dans le salon
Où s’abreuvaient tous les bienheureux Pères.
« Du haut des Cieux, je viens, dit-il, mes frères,
« Pour vous tirer du coupable danger
« Où le courage aurait pu vous plonger.
« Quoi ! méprisant le Saint-Père et l’Eglise,
« Vous aideriez la mondaine entreprise
« D’un Paladin. Horret a sanguine
« Ecclesia ! » Lors d’un épais nuage
Il entoura le brave courroucé
Dont il voyait s’allumer le visage.
Ainsi Vénus, aux rives de Carthage,
Couvrit son fils avec l’air condensé.
L’âne, en latin, tint après ce langage :
« Fut-il un sot, l’Apôtre ingénieux.
« Qui, par des lois si doucement sévères,
« A défendu que tout Religieux
« Traître, infidèle à son culte pieux,
« Ne se baignât dans le sang de ses frères ?
« Par ce moyen, loin du bruit, loin des guerres,
« Dans un torrent de plaisirs enchanteurs,
« Du genre humain vous narguez les malheurs ;