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Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/200

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Arrive fors un Meûnier sur son âne.
Moins grand, plus gai que le Dieu d’Ecbatane ;
De sa voix rauque, et de son fouet noueux,
Il éveillait les échos de ces lieux.
Organt disait tristement dans son âme :
« Ce pauvre hère est plus heureux que moi.
« N’as-tu pas vu ce matin une Dame
« Parmi les airs. — Nenni, Monsieur, ma foi ;
« De par mon Dieu, je ne les prends qu’à terre,
« Dit le Meûnier, qui ne l’entendait guère,
« Et quand je peux ; mais si vous étiez fors
« Un de ces Preux qui redressent les torts,
« Vous mènerais là-bas chez un vieux sire,
« Qui bat sa femme, et fait encore pire ;
« Car il voulait, Monsieur, ces jours passés,
« Que ses vassaux se coupassent le nez. »
Antoine Organt, en brandissant sa lance.
Lui demanda le nom de ce maraud.
Le Meûnier dit : « Il s’appelle Arimbaud ;
« C’est le plus laid des Chevaliers de France,
« Et le plus fier. Il se prétend le fils
« De vieux Héros qu’il appelle Amadis.
« Ce sang fameux, usé par tant de veines,
« Est en fumée arrivé dans les siennes.
« Il part un jour, et, grâces au Seigneur,
« Dans le dessein d’essayer sa valeur.
« Il me souvient qu’il avait une lance
« Comme la vôtre, et non votre apparence.
« Il emprunta la jument du moulin,
« Et Mathurin, le voyant qui s’emporte
« Dans le vallon. se plaignait de la sorte :
« Adieu ma bête, avant demain matin,
« D’un coup de sabre on va vous le pourfendre
« Et ma jument en foire on ira vendre.
« Sire Arimbaud se mit à chevaucher,
« Au préalable ayant fait attacher
« Sur son armet ses titres de noblesse,
« Pour que chacun révérât son Altesse.