Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/310

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acheva de conquérir le sénat ; lorsqu’il fut assouvi, le délire de sa puissance le conduisit à l’esclavage.

Le principe de l’aristocratie française est le repos.

CHAPITRE VIII

DE LA NATURE DE LA MONARCHIE

La monarchie de France est à peu près la même que la première de Rome ; ses rois proclamaient les décrets publics, maintenaient les lois, commandaient les armées, et se bornaient à la simple exécution : aussi voit-on que la liberté ne rétrograda point et consuma même cette royauté. Mais cette révolution dériva moins de l’essor de la liberté civile, toute ardente qu’elle était, que du pou­voir étonnant que voulut usurper tout à coup le monarque sur des lois vigoureuses qui le repoussèrent. La France a établi la monarchie sur la justice, pour qu’elle ne devînt pas exorbitante.

Le monarque ne règne point, quel que soit le sens d’un mot, il gouverne ; le trône est héréditaire dans sa maison, il est indivisible ; je traiterai en son lieu de cet objet ; n’examinons maintenant que la puissance monarchique dans sa nature.

L’intermédiaire des ministres eût été dangereux si le monarque eut été souverain, mais le prince lui-même est intermédiaire ; il reçoit les lois du corps législatif et lui rend compte de l’exécution ; il ne peut rappeler que le texte, et renvoie aux législatures ce qui tient à l’esprit.

Par la sanction que prononce le monarque, il exerce moins sa toute-puissance qu’une délégation inviolable de celle du peuple : le mode de son acceptation comme de son refus est une loi positive, en sorte que cette accepta­tion et ce refus sont l’usage de la loi, et non de la volonté ; le frein d’une institution précaire qui demande quelque maturité, et non la défense ; le nerf de la monar­chie, et non de l’autorité royale. Ce qu’il y aurait de puissance dans le refus expire après la législature ; le peuple renouvelle en ce moment la plénitude de sa souveraineté, et rompt la suspension relative du monarque.