Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/40

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Car la forêt, par un enchantement,
Suivait les gens, s’avançait à mesure,
De quel côté qu’on tentât aventure.
Sornit le preux s’ennuyait cependant ;
Dans ces déserts sa valeur abusée,
Depuis longtemps ne s’était exercée ;
Sornit brûlait de signaler encor
Et son grand cœur et sa haute vaillance,
Pour Adelinde, et l’Amour, et la France.
De temps en temps il sonnait de son cor ;
Tout répondait par un profond silence.
Mais un beau soir il voit venir enfin
Un Chevalier enveloppé d’airain,
Le pot en tête, et la lance à la main,
Et sous lequel un pallefroi superbe,
D’un pied léger effleure à peine l’herbe.
Il accourait à pas précipités ;
Sornit s’avance, et lui crie : Arrêtez,
Chevalier preux, si n’êtes pour la France.
Je suis pour moi, dit l’autre avec fierté,
Et sur le champ remets à ma puissance
Ce Palefroi, cette jeune Beauté,
Si n’aimes mieux mourir pour leur défense.
Vain Chevalier, les perdrai s’il le faut,
Dit le Picard, mais périrai plutôt ;
Et tout à coup ses yeux bleus s’arrondissent,
Et l’un sur l’autre ils fondent tous les deux :
Sous les éclairs leurs casques retentissent,
La forêt tremble et les chevaux hennissent.
Plein de fureur, l’un et l’autre guerrier,
En cent détours, et de taille et de pointe,
Multipliait le volatil acier.
Par-tout la force à l’adresse était jointe.
Tantôt le fer, étendu mollement,
Du fer rival suivait le mouvement ;
Puis tout à coup leur fougue redoublée,
D’un bras soudain alongé, raccourci,
Cherche passage au sein de l’ennemi.