Qu’il prononça d’un air tendre et bénin.
« Quitte le fond de ta grotte, ô ma brune,
« Ouaille pie, et dans mes bras bénis,
« Viens oublier tes peines et soucis ;
« Point n’ai trempé dans l’injure commune,
« Bien tu le vois ; Dieu me perde à tes yeux,
« Plutôt que faire ainsi qu’ils ont fait, eux. »
Du haut du Ciel, alors le bon Saint-Pierre
Avait baissé ses yeux creux sur la terre ;
Du saint Évêque il était le patron ;
Il le couvait de son regard paterne,
Et lui prêtait quelquefois sa raison,
Pour lui servir ici-bas de lanterne,
Las ! il partit du séjour éternel,
Pour lui sauver ce doux péché mortel.
Le bon apôtre en sa main, comme un cierge,
Tient en volant sa luisante flamberge,
Et de son corps l’éclat éblouissant
Trace dans l’air un sillon ondoyant.
Il approchait du monde sublunaire,
Quand tout à coup une voix de tonnerre,
De certain B. fit retentir les airs.
Pierre se tourne, et voit l’Esprit pervers :
Il est glacé d’une peur effroyable,
Mais se rassure et s’avance. Le Diable
Lui dit : « Pierrot, je t’attendais ici.
« Fils de P. je te cherchais aussi,
« Lui riposta le Saint d’une voix ferme.
« C’est aujourd’hui que nous allons vider
« Nos vieux débats ; Dieu met ici le terme
« À ton audace, et va me seconder. »
Parlant ainsi d’une voix nazillarde,
Le Saint tremblant poignit sa hallebarde ;
L’Ange cornu, dressant son noir griffon,
Se précipite, et le combat s’engage.
Ô Dieu de paix, vous le permites done !
Pierre, aveuglé par sa chrétienne rage,
Souille ses mains sur le cuir d’un Démon.
Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/56
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