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Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/69

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Tous les Démons sortirent des enfers,
De cris affreux les plages ils remplirent,
Et les échos à l’entour répondirent.
Nos spadassins, qui ne s’attendaient pas
À ce malheur et cette perfidie,
Assurément devaient perdre la vie,
Ne virent onc de si près le trépas.
Aucunes fois sous l’onde ils disparurent,
Aucunes fois abimés ils se crurent.
Heureusement le brave Chevalier
Avait son Ange, et sur-tout son coursier.
George macha quelque prière impie ;
Car il était expert dans la magie.
Sur son baudet, Champagne dextrement
Criant alerte, allons boire, courage !
Saisit la queue à l’Espagnol d’Organt,
Serra sa bête, et gagna le rivage,
Près de périr, et toujours en chantant.
À l’autre bord quand tous trois ils se virent,
De très-bon cœur complimens ils se firent.
C’en était bien la peine de pardieu.
George pourtant avait l’âme marrie.
J’ai bu de l’eau, disait-il, moi ; corbleu,
Moi qui croyais n’en boire de ma vie !
George pensait mourir empoisonné,
Antoine Organt jurait comme un damné ;
En piteux cas c’était là son usage.
Pour l’Écuyer, il était bien plus sage ;
Car il riait. « Quand le mal est passé,
« Riez, dit-il ; l’heureux ingrat qui pleure,
« Si le Destin l’eût occis tout-à-l’heure,
« De par Saint-Jean, serait bien avancé ».
L’Aumônier dur, sous sa masse profane,
Vit au rivage expirer son cher âne,
Cet àne preux, cet illustre grison,
De ses travaux vigoureux compagnon.
Heureusement dans la plaine émaillée
Paraît un âne, et s’affourchant dessus,