Dans leurs cachots les aquilons mugissent,
Et les rochers de leur bruit retentissent.
Ithuriel fit entendre sa voix,
Les vents mutins se turent à la fois :
À son aspect les rochers tressaillirent ;
Les flancs du mont sous sa lance s’ouvrirent.
Bref, il en tire un grand chariot d’airain,
Environné de gerbes fulminantes,
Tout constellé des maux du genre humain.
Il attela quatre jumens fringantes,
Quatre étalons orgueilleux, bondissans,
Nés de la foudre, impétueux, ruans.
Et dont l’humeur, que Dieu voulut charnelle.
Les allumait d’une fougue éternelle.
Impatiens de prendre leur essor,
Ils hennissaient en secouant la tête ;
Ils se cabraient en rongeant un frein d’or.
Ithuriel enchaina la tempête
Autour du char, y posa des carreaux,
Et des éclairs enfermés dans des pots ;
Il entoura le char d’un gros nuage,
Et de sa voix fit voler l’attelage.
Le Ciel était dans un chaos affreux ;
Le saint parquet, aspergé d’eau bénite,
Brûlait aux pieds la canaille maudite.
Ils bondissaient comme des furieux,
Buvaient la grâce, et trinquaient l’ambroisie.
Saintes liqueurs pour le palais des Dieux,
Qui des Démons brûlaient la gueule impie.
Quelques-uns d’eux pour la fuite opinaient,
Les plus hardis au combat s’acharnaient,
Et pour servir leur brutale furie,
Lançaient aux Saints les coupes de la vie.
Voires agnus que les nonnes pleuraient.
Ah ! voilà donc ce qu’entraine après elle
D’un sot orgueil l’ivresse criminelle !
Saint Pierre, hélas ! n’eut-il pas mieux valu
De mon Prélat secourir la vertu ?
Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/71
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