Mais au surplus il n’en fut pas faché.
Nicette avait son jeune cœur touché ;
Il espéra que le sien serait tendre.
C’en fut assez ; il oublia bientôt
L’arrèt du sort, et son oncle, et Charlot.
« Ah ! que le Ciel, disait-il, est bizarre,
« De dégrader une beauté si rare,
« Et d’abaisser de si touchans attraits
« Aux soins grossiers d’un essaim de valets !
« Si le Destin l’avait fait à ma guise,
« Il en eût fait plutôt une Marquise,
« Mais le Destin eut peut-être raison.
« Nice Marquise eût été précieuse,
« Coquette, sotte, altière, impérieuse.
« Vaut-il pas mieux un villageois tendron ?
« Il me faudrait faire mainte grimace,
« Et larmoyer, et faire le muguet,
« Pour obtenir un froid baiser, par grâce,
« Et découvrir un sein avec respect,
« Du vrai bonheur n’avoir que le fantôme,
« Etre cocu tout comme un autre en somme :
« J’aime bien mieux que ma Nicette enfin,
« Nicette soit, que Baronne ou Comtesse ;
« Le vain éclat d’un titre de noblesse
« S’évanouit à côté d’un beau sein. »
Comme il parlait, brillant trait de lumière
Soudainement par les airs s’épandit,
Et le Héros son Ange gardien vit.
Croissant de flamme embrassait sa paupière,
Cheveux blondins sur son dos voltigeaient,
Au gré de l’air ses vêtements flottaient,
Que les zephyrs curieux retournaient.
On lui voyait maint flacon efficace,
Rempli d’une eau que l’on appelle gråce ;
Le doux Jésus en distribue aux Saints
Qu’il a chargés du salut des humains,
Et chacun d’eux un pareil flacon porte,
Dont, au besoin, son ouaille il conforte.
Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/83
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