Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, II, 1908.djvu/527

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Aujourd’hui que la nature et la sagesse ont repris leurs droits, et que la vérité a retrouvé des oreilles sensibles, c’est à l’amour de la patrie de faire entendre sa voix austère. L’état où nous sommes est précaire ; nous dépensons comme le prodigue insensé. Trois cents mil¬lions émis chaque mois par le Trésor public n’y rentrent plus, et vont détruire l’amour du travail et du désintéressement sacré qui constitue la république.

Combien ne doit-il pas exister de riches, puisqu’il y a en circulation quatre fois plus de signes qu’autrefois ? Combien trois ou quatre cents millions émis par mois ne jettent-ils point de corruption dans la société ?

Ce système de finances pourrait faire fleurir une monarchie ; mais il doit perdre toute république.

Aussi bien, quelque respect que le peuple m’inspire, je ne puis m’empêcher de censurer de nouvelles mœurs qui s’établissent. Chaque jour, un grand nombre de citoyens quittent le métier de leurs pères et se livrent à la mollesse, qui rend la mémoire de la monarchie exécrable.

Quoi ! lorsque la patrie soutient une guerre terrible, lorsque douze cent mille citoyens versent leur sang, le Trésor public, par une masse énorme de monnaies nouvelles, nourrirait des dérèglements et des passions sans que personne retranchât rien de son avarice et de sa cruauté !

La liberté de ce discours attestera un jour la probité de ceux devant lesquels on pouvait s’exprimer ainsi. Mais on a trop longtemps fermé les yeux sur le désordre des finances, qui entraîne celui des mœurs.

Il ne vous reste qu’un pas à faire, pour vous montrer avec tout l’ascendant qui doit maîtriser les ennemis de la république : c’est de rendre votre commerce et votre économie indépendants de l’influence d’inertie de ces mêmes ennemis.

Voici donc le but qu’il nous semble qu’on pourrait se proposer d’atteindre :

l° Rendre impossible la contrefaçon des monnaies ;

2° Asseoir équitablement les tributs sur tous les grains,