Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1769.djvu/138

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On vit la courtoisie habiter les châteaux ;
L’esprit fut introduit dans les jeux des héros ;
Apollon célébroit les guerriers & les belles ;
Le paladin chantoit & combattoit pour elles.
Régnez, sexe charmant, régnez sur l’univers,
C’est sur-tout au françois à respecter vos fers ;
Qu’il doive encor sa gloire au désir de vous plaire ;
Conservez, ranimez son brillant caractère,
Cet amour pour son prince & pour la liberté,
L’art d’embellir la vie & la société,
Et ce mêlange heureux de souplesse & d’audace,
De force & de gaieté, de grandeur & de grace.
Mais, quoi ! Pour triompher de l’ennui des hivers
Faut-il donc tous les arts, les bals & les concerts ?
O si je puis revoir mes campagnes chéries,
M’égarer un moment dans les plaines flétries,
Chercher dans les vallons la trace des beautés
Qu’ils offroient au printems à mes yeux enchantés,
Me retrouver encor auprès de la nature,
Espérer les zéphyrs, & prévoir la verdure,
Mon cœur seroit content ! Là, malgré ces frimats
Qu’entassent les hivers sur nos sombres climats,
Je jouirois du moins des charmes de l’étude.
Heureux qui sans affaire & dans la solitude,
Sçait goûter tour-à-tour l’Arioste & Milton,
Et revient s’éclairer entre Locke & Newton !
Heureux qui sçait jouir, & qui cherche à connoître !
Muses, guides de l’homme, ornements de son être,
Vous qui lui découvrez d’utiles vérités,
Et le rendez sensible aux graces, aux beautés,
Muses, je vous aimai dès l’âge le plus tendre ;
Je voulois tout sentir, tout peindre, tout apprendre.
Ciel ! Avec quel transport, quel plaisir vif & pur
J’appris à distinguer sur le céleste azur,
Ces globes dont Newton mesura la carrière,
Et que l’astre du jour dore de sa lumière ;
De ces brillants soleils qui couvrent de leurs feux
Des mondes ignorés suspendus autour d’eux,