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Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1769.djvu/160

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134 LES SAISONS.

où la terre prodigue tout, je les vois occupés à se nuire, à se massacrer & à se faire esclaves. J’apprends que les Negres vivoient autrefois en paix, mais que les Anglois, les François, les Portugais, avec un art infernal, sement & entretiennent la division parmi ces peuples qui leur vendent leurs prisonniers de guerre. Or, je sais comment ces prisonniers sont traités dans nos isles à sucre, & dans les colonies des Portugais & des Espagnols.

Je double le Cap, & je trouve quelques Portugais énervés de mollesse, qui me parlent des prodiges qu’ont fait leurs ancêtres: ces prodiges sont la destruction des peuples & la dévastation des plus belles contrées, depuis la Gaffrerie jusqu’à la Mer rouge.

Je vais à la côte d'Yemen, je vois que les Arabes y sont encore libres, puissants, riches, polis & heureux; mais j’apprends que ce n’est pas la faute des Européens qui ont souvent tenté de les détruire.

Je me promene ensuite sur les côtes de Malabar, de Coromandel & d’Orixa; j’entre dans le Gange; je visite les Malais, Siame, les isles de la Sonde, les Moluques, les Philippines, &c. je trouve par-tout des traces de nos cruautés & de nos perfidies. Les Arabes nous avoient prévenus dans ces contrées, & les peuples de l'Orient, qui avoient perdu depuis long-temps leurs loix & leurs mœurs, ne sont pas aussi intéressants que les Péruviens & des Tlascalteques. Plusieurs de ces Peuples étoient méchants, j’en conviens; mais je dis, avec le Marquis de Vauvenarhue, « on n’a pas le droit de rendre