Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/274

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

se démentit jamais ; il en fit moins son esclave que son compagnon ; il lui apprit la langue des Abénakis, & les arts grossiers en usage chez ces peuples. Ils vivoient fort contents l’un de l’autre. Une seule chose donnoit de l’inquiétude au jeune Anglois ; quelquefois le vieillard fixoit les yeux sur lui, & après l’avoir regardé, il laissoit tomber des larmes.

Cependant, au retour du printems, les Sauvages reprirent les armes & se mirent en campagne.

Le vieillard, qui étoit encore assez robuste pour supporter les fatigues de la guerre, partit avec eux accompagné de son prisonnier.

Les Abénakis firent une marche de plus de deux cents lieues à travers les forêts ; enfin ils arrivèrent à une plaine où ils découvrirent un camp d’Anglois. Le vieux Sauvage le fit voir au jeune homme en observant sa contenance.

Voilà tes frères, lui dit-il, les voilà qui nous attendent pour nous combattre. Écoute, je t’ai sauvé la vie, je t’ai appris à faire un canot, un arc, des flèches, à surprendre l’orignal dans la forêt, à manier la hache, & à enlever la chevelure à l’ennemi. Qu’étois-tu, lorsque je t’ai conduit dans ma cabane ? tes mains étoient celles